Le rap est désormais le genre musical le plus écouté en France. Aux États-Unis, berceau du hip-hop, cela fait maintenant bien longtemps que Lauryn Hill, Missy Eliott, et plus récemment Cardi B ou Nicki Minaj dominent les charts et le genre. Dans les pays francophones, et plus largement, en Europe et en Afrique, les rappeuses sont quant à elles, presque invisibles, ou plutôt inaudibles.
Avant d’essayer de comprendre où sont passées les femmes dans le Rap, commençons par redéfinir ce genre qui fait vibrer plus de la moitié de la France. Ce style musical est né à la fin des années 70 aux États-Unis. En même temps que le Hip-Hop, le Rap apparaît alors qu’une grande crise économique saisit les États-Unis. Les jeunes des quartiers défavorisés des grandes villes ont besoin d’exprimer leur frustration face à l’injustice, la violence et la pauvreté qu’ils vivent quotidiennement. Ce mouvement représente bien plus qu’un simple style musical, c’est un mouvement culturel.
Il traverse ensuite l’Atlantique pour arriver en France au milieu des années 80, et c’est à ce moment- là que de nombreux rappeurs comme MC Solaar, le groupe IAM ou même Suprême NTM commencent à faire parler d’eux. Mais encore une fois, les femmes ne font pas partie de l’équation. Ou en tous cas, bien trop peu…
En France : Saliha est la première rappeuse à apparaître sur la compilation “RapAttitude” en compagnie, entre autres, d’IAM et de Suprême NTM. Si malheureusement sa carrière n’a jamais décollé, elle aura eu le mérite d’ouvrir la voie aux jeunes femmes qui souhaitent, elles aussi, se lancer dans le rap. Si on les a oubliées, c’est parce que la plupart ont eu des carrières éphémères, comme ce fut le cas pour la rappeuse B Love.
Pour Eloïse Bouton, fondatrice de Madame Rap (média en ligne dédié aux femmes et LGBT+ dans le hip-hop), « le retard français est assez mystérieux, dit-elle à l’AFP, car les talents ne manquent pas. Et dans les concerts, il y a des femmes » Tandis que pour le rappeur Gradur, « c’est une question de mentalités et de temps. On dit toujours que les Américains ont dix ans d’avance. »
Malgré les avancées culturelles et le fait que la scène Rap et Hip-Hop soit beaucoup plus ouverte qu’il y a 20 ans, le nombre de femmes faisant du Rap reste très peu nombreux. Début 2020, seulement deux rappeuses, Marwa Loud et Shay, se retrouvent dans les 200 meilleures ventes d’album en France contre 86 hommes. Seulement 4 femmes se classaient parmi les 20 albums les plus écoutés en France en 2019, selon le SNEP.
Laissons maintenant parler la musique, voici les artistes qui méritent depuis bien longtemps plus de reconnaissance :
Joanna, l’étoile montante du R’n’B français. C’est cette artiste éclatante qui vient dynamiter les clichés sur les femmes et la féminité.
Crédit photo : Pete Casta / Ancré
Lala&ce : Entre sous-entendu et explicite, précision et nonchalance, anglais et français, la jeune rappeuse franco-ivoirienne nous plonge dans un univers brumeux dont elle seule a le secret.
Sally : Avant Sally on trouve Marion, jeune angevine au flow souple et décomplexé. Cette double identité et cette dualité semblent être centrales chez elle, et constituent sa force. À la suite de son adoption, la chanteuse va en effet puiser l’inspiration dans sa bipolarité et parvient à toucher le cœur de ceux qui l’écoutent, malgré sa timidité.
Crédit photo : Morgane Quere
Chilla : « #Balancetonporc », « Si j’étais un homme », « Sale chienne » : en quelques titres, Chilla a prouvé qu’elle comptait bien dénoncer les privilèges sexistes, la misogynie et les violences faites aux femmes. Sa musique ne se réduit pas seulement à ces engagements, aussi important soient-ils. Elle fait surtout partie des artistes qui n’ont pas de limites.
On note aussi :
- Shay
- Meryl
- Moona
- Le Juiice
- Vicky R
- Davinhor
- Bianca Costa
- Alicia
- Kanis
Arte a également réalisé la série « Girlhood » à travers laquelle on suit huit parcours de femmes extraordinaires, huit jeunes artistes qui ont choisi le rap pour raconter et chanter leur quotidien, pour mener leur combat, partager leur culture et parfois leur exil.
Et pour terminer un clip devant lequel, Bande Organisée des marseillais peut s’incliner : « Shoot » avec Kanis, Chilla, Alicia, Joanna et Vicky R.
Pour que vous soyez à jour sur les dernières punchlineuses, voici une petite playlist faite avec amour par @withusmedia : Découvrir
Pour déjouer le système, certaines initiatives fleurissent. Depuis novembre 2019, la première compilation de rap français entièrement féminine est téléchargeable gratuitement sur le site du collectif La Souterraine, on peut retrouver également beaucoup de playlists faites par des passionnés sur Deezer ou Youtube. La place de la femme dans le Rap a bien évolué au fil de années. Même si ce milieu reste majoritairement masculin, de nouvelles artistes féminines décident de changer les codes pour bousculer les mentalités. Il ne tient plus qu’à nous, pour laisser ces artistes écrire l’histoire aux cotés de Diam’s et Keny Arkana.
Victor DURAND et Alban KAKOU.
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