Le pouvoir d’un système alternatif
Souvent, les personnes à qui je parle de mon projet ne me comprennent pas. Elles me trouvent « utopique », « perchée », « bisounours ». « A quoi ça sert d’être passionnée d’écologie », « à quoi bon s’engager », « pourquoi vouloir dépenser de l’argent dans un projet impossible », « pourquoi vouloir changer le monde, quand celui-ci est déjà idéal ? ».
Pour moi, pour beaucoup, ce monde parfait ne l’est plus. Les scientifiques, les biologistes nous en parlent tous les jours depuis des années : à la télé, aux informations, sur les réseaux sociaux, dans les journaux : le mode de fonctionnement de l’humanité, le capitalisme, la course à la productivité et à l’argent, est en train de détruire notre planète, et par la même occasion, notre futur. Je n’ai pas envie d’attendre que le monde s’écroule. Je n’ai pas envie d’être de ceux qui se plaindront plus tard ou qui auront des regrets de ne rien avoir fait. Un monde respectueux de l’humain et de l’environnement est tellement ampli d’espoir, d’amour, de solidarité. Il implique plus grand que soit, et c’est ça, qui donne à beaucoup, l’envie de changer le chemin que nous sommes en train d’emprunter.
Notre monde est si beau. Les animaux, la nature, notre planète : tout ceci est un cadeau. Les relations humaines, l’environnement : comment avoir envie de laisser tout cela s’écrouler alors que les solutions sont sous notre nez et n’attendent qu’à être mises en place ?
Mon projet est le suivant : ouvrir un écovillage : ensemble d’habitats de taille humaine, où la priorité est de placer l’homme et l’environnement au centre de tous les intérêts. Ce sont des agglomérations rurales, ayant une perspective d’autosuffisance reposant sur trois axes : un modèle économique alternatif, une place prépondérante accordée à l’écologie et une vie communautaire active (Eco, 2003).
Dans cet écovillage, seraient construits des habitats, des gites et/ou des hôtels écologiques et éco-construits. Cela permettrait, plutôt que de vivre en autarcie avec des personnes déjà sensibilisées à la protection de l’environnement et au respect de l’humain, de réunir ces personnes, ces psychologies et sensibilités, en permettant à des individus extérieurs, des touristes par exemple, d’avoir la possibilité de venir y vivre, pour une journée, 1 semaine ou plus. Ils y découvriraient un mode de vie, une expérience de vie. Cela permettrait à d’autres personnes de mieux comprendre ce que cela implique et peut-être de partir avec des idées de modes de vie alternatifs et de l’expérimenter ailleurs. Cela rendrait possible la sensibilisation d’un plus grand nombre d’individus tout en restant connecté à l’extérieur de l’écovillage.
Il existe 34 écovillages en France : en projet, fermé au public et actifs. Il existe un hôtel 100% éco-construit : La Grée des Landes. Et des multitudes d’hôtels commencent à se développer dans une logique de développement durable incluant l’écologie, et cela, dû à la nécessité et à la demande du consommateur et des états.
A la question « est-il possible de penser à un autre modèle de développement ? », je réponds oui. C’est d’ailleurs une questions centrale actuelle de notre société. Nous voyons bien que le système de consommation actuel est problématique, qu’il pose de plus en plus de problèmes sanitaires, environnementaux, sociaux, et la crise sanitaire que l’on connaît actuellement n’est surement pas la dernière à laquelle nous assisterons si notre système ne change pas (apparition de futures maladies enfouie depuis des milliéraines, liée à la fonte des glaciers).
Ayant déjà fait du bénévolat dans des structures dont le mode de vie se rapprochent des écovillages, j’ai pu observer de plus en plus de projets d’écovillages émerger et se créer. Un des objectifs de ce concept est de redonner une place plus équilibrée à l’homme en harmonie avec son environnement, dans un respect des écosystèmes présents. Le principe de base est de ne pas prendre à la terre plus que ce qu’on peut lui redonner. Les modes de cultures alternatives, comme la permaculture (« concept systémique et global qui vise à créer des écosystèmes respectant la biodiversité »), par exemple par le biais de l’agroécologie, y sont mis en pratique. La création d’écohabitats permet également une neutralité carbone (« équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone de l’atmosphère ») très proche de zéro par des pratiques naturelles et favorisant l’accroissement de la biodiversité.
Ce type de modèle tend vers l’autonomie alimentaire, en eau, en électricité, et en une autonomie économique par la création d’une monnaie restant en partie au sein du village pour ne pas dépendre d’une monnaie exclusivement extérieure. Puisque nous sommes tous d’accord pour dire que tout être humain devrait avoir accès à l’eau, à la nourriture, et à un foyer à partir du moment où il né, dans les écovillage c’est une question qui ne se pose pas. Les besoins vitaux des individus sont assouvis facilement à partir du moment où chacun participe un minimum au travail communautaire (culture du potager, éducation à l’école du village, vente de produits créé par la communauté, aide aux enfants, aide aux personnes âgées…), et sans lutte avec d’autres systèmes. Ces écovillages ne sont pour autant pas en autarcie puisqu’ils continuent de produire une partie de leur monnaie afin de rester en lien avec l’extérieur du village pour subvenir à des besoins auquel leur sols, leur savoir-être et savoir-faire ne pourraient pas répondre. Le lien social est également maintenu par la transmission de savoir-être et savoir-faire à des personnes extérieures au village, par le tourisme, la vente directe de leur produits etc… Ces ventes et revenus leurs permettent s’il le désire, d’avoir également accès à internet et aux relations internationales.
J’ai pu également observer ces derniers mois qu’une partie de la population tend à développer ces trois piliers au sein même de leurs foyers, et surtout en ville depuis la crise sanitaire où ce besoin vital a ressurgi sous différentes formes: diminuer la quantité de déchets produits, consommer local, renouer avec la nature et l’humain en général, tendre vers un modèle de développement durable (« développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » Insee). On peut donc voir concrètement qu’aujourd’hui il y a divers moyens de repenser notre modèle de développement.
Je vous disais plus tôt que j’avais effectué des bénévolats qui répondait à une partie de ce type de fonctionnement. Les bénévolats que j’ai effectués étaient les suivants :
* participation à un ‘’Wwoofing’’ : bénévolat dans une pépinière biologique.
* participation à un chantier Twiza : chantier d’une maison éco-construite en bottes de paille et ossature en bois.
L’un est en relation avec l’éco construction, et l’autre à l’agriculture biologique. Leur point commun : il n’y a aucun échange d’argent, uniquement des échanges de services. Pendant un certain temps, j’ai échangé ma force de travail (6h minimum par jour avec deux jours de repos par semaine) ; contre un logement, 3 repas par jours (de grande qualité biologique), d’une douche par jour, et de la vie en communauté dans des lieux d’exception. Les propriétaires ont toujours été, à leur manière, pédagogues, et m’ont permis d’apprendre vite, dans la bonne humeur et dans l’échange. Nous ne sommes pas une main d’œuvre, nous sommes des bénévoles qui sont là pour apprendre, en fournissant un certain travail à hauteur de nos capacités physiques et intellectuelles. Cela laisse place à l’humanité et à la relation profonde. Le temps de travail laisse alors place à la découverte d’un autre moyen de faire, un autre moyen d’apprendre et de transmettre. Chacun s’entre-aide, il y a la place à l’erreur, à la débrouille, à l’improvisation, et des idées fabuleuses en ressortent. Dans ce mode de vie, la nature est omniprésente, son bruit, son silence : le bruit des poules, des dindons, des oiseaux, des rivières, des rires pendant le travail et pendant les moments de pauses, et ce, à longueur de journée.
Les téléphones sont laissés loin de nous, naturellement, le besoin de cette hyper-connexion a disparu depuis longtemps, on s’accroche à cette liberté d’être déconnectés.
Lorsque la pause vient, lorsque la journée de travail est terminée c’est le moment du repos, de l’échange, et si désiré, des jeux de société. Chacun contemple l’avancé de la journée. Tous les âges sont présents : de 18 à 70 ans, les générations sont mélangées et échangent. On parle voyage, dynamiques et expériences de vie, de projets ; on refait le monde, on se rempli d’énergies positives, on rêve. La bienveillance, la solidarité, l’humour, la profondeur sont présents.
Quand je repars, je sens que j’ai contribué à un monde meilleur : j’ai permis l’améliorations de propriétés qui favoriseront la vie et la survie de la faune et de la flore, j’ai lié des relations, facilement, profondément, qui resteront gravées dans ma tête et dans celles des autres personnes présentes, j’ai créé des souvenirs et expériences qui me donnent de l’énergie pour retourner à une vie plus standard le temps de finir mes études et de réaliser mes rêves.
Alors si cela est une utopie, je veux bien la vivre tous les jours : laisser la place à la nature régénérante, laisser place à l’erreur et en tirer des forces, laisser place à la relation humaine dans toute sa splendeur et la création d’un système où chacun est légitime d’être qui il veut, d’être enthousiaste, de créer du beau, de créer un monde meilleur, d’être heureux et de rendre heureux.
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